Monday, January 29, 2007

L'éthanol ? Ne pas trop se saoûler d'espoir...

A toute chose, "bio" ou "eco" sont bons - ça accroche, ça fait vendre, ça rassure. Ainsi en est-il des "biocarburants" ou du "bioéthanol".
"Terminologie, mon beau souci" avais-je dit en son temps, et voilà que ça me reprend : passe encore pour biocarburant, mais tout juste, puisqu'il est plus que probable que le pétrole a une origine biologique (consultez tout de même les mânes de Thomas Gold à ce sujet). Mais "bioéthanol" ! Depuis quand fabrique-t-on de l'alcool avec du pétrole ? Tchah !
Quoi qu'il en soit, certains enthousiastes (souvent quelque peu intéressés, mais c'est humain, ça...) nous dépeignent l'avenir radieux où nos automobiles rouleront sans l'aide du pétrole, mais en consommant tout simplement de la bonne gnôle bien de chez nous ; un peu comme au Brésil, quoi.
Hélas, nous ne sommes ni chez Peter Pan, ni au Brésil - pas celui, en tous cas, du miracle permanent et de la vie rêvée. Le vrai Brésil, lui, a peu de voitures, beaucoup de canne à sucre et énormément d'espace ; et des politiciens qui n'ont pas froid aux yeux et qui sont parfois prêts à sacrifier quelques milliers d'hectares de forêt amazonienne pour se faire une petite plantation ; les automobilistes, après tout, ont bien la priorité sur les Guaranis, non ?
Dans nos pays, par contre, nous devons nous rabattre sur d'autres récoltes, le maïs aux USA et les betteraves sucrières dans notre vieille Europe, avec des rendements nettement moindres. Ou le blé. Mais ça fait grincer les dents de cultiver du blé à tire-larigaud pour faire rouler Germaine alors qu'il y a des petits ... (quand j'étais jeune, c'était Chinois, puis il y a eu Biafrais, maintenant vous y mettez ce que vous voulez) qui meurent de faim ; bien sûr, ça n'a pas vraiment de rapport, mais c'est suffisant pour faire enrager Lester Brown.
Malheureusement, il n'est pas du tout certain que le rendement en terme d'équivalents CO2 soit avantageux : il faut planter, arroser, engraisser, traiter, digérer, distiller, transporter - et tout ça consomme de l'énergie, beaucoup d'énergie. C'est le sucre qui est le plus facile à traiter, malheureusement sa production demande énormément d'eau, avec tout ce que ça suppose : ponction dans les nappes phréatiques et salinisation des terrains lessivés - et puis, de toutes façons, il n'y a tout simplement pas la place : dans les conditions actuelles, on estime qu'il faudrait 30% des terres agricoles aux USA pour produire assez d'éthanol pour remplacer 10% de l'essence consommée dans les transports.
Le biodiesel (pas plus joli comme néologisme, mais tant pis) aurait-il plus d'avenir, puisque justement, ce moteur avait été conçu à l'origine pour fonctionner sur un peu n'importe quel résidu huileux ? Alors, chaque fois qu'on change l'huile de la friteuse, on peut faire une balade ? Non, mieux vaut l'huile de palme, mais là, c'est la fin des orang-outans ! (parce qu'ils vivent dans la jungle de Borneo, partiellement convertie en plantation de palmier à huile).
Il faut bien voir l'ordre de grandeur du problème : on consomme mondialement nettement plus de mille milliards de litres d'essence et presque autant de diesel. Mille milliards de litres, c'est un milliard de mètres cubes - c'est beaucoup.
Alors, pas de solution ? Peut-être bien que si, mais elle n'est pas pour faire plaisir à tout le monde...
(à suivre)

Thursday, January 25, 2007

Une Commission, une Simonet et des kinésithérapeutes

Ainsi donc, Mme Simonet avait été au bout de ses exigences pour empêcher une ruée des étudiants français vers les écoles belges ; ces étudiants faisaient donc les frais d'un système scolaire (français) parfaitement achaïque et schizophrène. Et, en bonne logique, Mme Simonet - et toute la Communauté française de Belgique avec elle - avait estimé que le contribuable belge-cfwb n'avait pas à remplacer le voisin défaillant.
Dans le petit monde de gauche (modérée ou extrême), les réactions étaient assez mitigées ; oui du bout des lèvres d'un côté, mais pour éviter le dumping scolaire - non franc et massif de l'autre, car il faut éviter le dumping scolaire... Et tous se retrouvent pour condamner Bologne, bien entendu.
Mais voilà, les traités ont été signés et pacta sunt servanda. La Belgique a déjà été condamnée par la CJ des CE, et peu importe qu'elle gémisse d'être "envahie" par les étudiants étrangers - ce qui, dans certains cas, est effectivement le cas.
Certains étudiants ont porté plainte, et de toute façons, la Commission ne pouvait pas ne pas être au courant. Elle a donc ouvert une procédure d'infraction contre la Belgique, qui perdra, je veux bien en prendre le pari.
La frilosité de la CF de Belgique est légendaire ; ce succès des études en Belgique, même pour des raisons discutables, était une véritable aubaine. Ben non, on laisse passer, et ça retombe en partie sur d'autres filières.
Ah, la Belgique ! Petite par son territoire mais grande par son héroïsme !

Thursday, January 18, 2007

5 ans d'euros


J'ai toujours beaucoup aimé la photo ; c'est dans la famille, depuis mon grand père qui avait monté son labo amateur dans les années '80 (dix-huit cent, bien sûr) jusqu'à ma fille cadette dont c'est le métier. Et, au début des années '80 (dix-neuf cent, évidemment) est apparue sur le marché amateur une machine merveilleuse, la Durst RCP-40, qui permettait enfin de faire des tirages couleur en automatique : on déposait le papier insolé dans une boite étanche à la lumière et, presto ! il réapparaissait comme par miracle prêt à être rincé. Enfin, presto, c'est un peu exagéré, ça prenait tout de même une dizaine de minutes, si j'ai bonne mémoire ; mais pour ceux qui venaient comme moi du système des cylindres tournants, c'était un réel progrès.
Donc, à moi les week-ends entiers en chambre noire, depuis le vendredi en fin d'après-midi jusqu'au dimanche au milieu de la nuit. Et, quoi qu'on puisse penser, on s'ennuie un peu dans une chambre noire ; alors, on écoute la radio, et justement, dans ces années 80, je tombais souvent sur la même émission (non, je ne parle pas de "Idem" et de son Heure Noire) :
- le vendredi, en début de soirée, les ministres des Finances européens débarquaient subrepticement au Charlemagne
- le samedi soir, ou parfois le dimanche, on annonçait sobrement les résultats : telle monnaie dévaluait d'autant, telle autre s'appréciait d'autant ; gémissements par ci, grommellements par-là, quelques-uns se frottaient les mains
- le lundi matin, la presse commentait longuement et les politiques grinçaient des dents.
Pour les plus jeunes, je dirai que ça s'appelait "dévaluation compétitive". En fait, c'était le boxon.
Puis, un jour, Jacques Delors mit en chantier le marché unique et la monnaie unique (je fais court) ; ça semblait aller de soi pour ceux qui avaient l'esprit européen ! mais ça n'allait pas du tout de soi, et si vous connaissez un membre du cabinet Delors, demandez-lui ce qu'il en pense...
Delors n'était pas un économiste, c'était un homme d'Etat ; aucun de ses deux projets n'avaient été bien accueillis par de nombreux économistes, et Milton Friedman avait bien ricané en pariant que l'Euro mourrait en gestation - il n'en était pas à sa première bévue.
1/1/1999 : l'euro entre en scène, mais les dénominations nationales restent en circulation
1/1/2002 : les pièces et les billets arrivent... Je me souviens d'avoir été tirer mes premiers euros au Bancontact près de chez moi vers deux heures du matin !
A l'époque, quelque 60% des citoyens de la zone euro étaient "pour" ; aujourd'hui, ce taux est tombé sous la barre des 50%... Pas évidemment quand les gens voyagent, soit dans une grande partie de l'Europe (plus de change !) ou même n'importe où dans le monde (on accepte les euros aussi bien que les dollars, plus besoin de faire un change intermédiaire ou de se contenter d'un taux ridicule !). Non, tous les autres jours, parce qu'il faut bien accuser quelque chose ou quelqu'un.
Aucun économiste n'a pu montrer autrement que par des effets de manche que l'euro serait responsable de l'inflation (qui est contrôlée comme jamais) - pardon, "de la vie chère" puisque c'est comme ça que ça se dit au peuple, hein, Mame Royal ? - ou d'un manque de compétitivité, ou du chômage, ou de la pollution des rivières et du retour des castors. Il y a très peu de temps, le dollar avait filé sous les 1/1.33 et on entendit (surtout en France) de grands cris : il fallait ramener ce traître de Trichet à la raison - avant lui, on voulait la peau de Duisenberg - et c'était scandaleux de laisser la bride sur le cou à ces irresponsables de la BCE qui n'étaient même pas élus ! On sait que ce genre d'argument abominablement démagogique fleurit régulièrement ; on l'entend invoquer aussi par les ONG qui ont généralement les organismes internationaux en exécration, mais qui vous diront toujours en privé qu'après tout, heureusement que les techniciens-bureaucrates ne doivent pas se faire réélire et peuvent donc se payer le luxe de ne pas être populaires... Depuis, le dollar est très nettement remonté, et les piailleries ont cessé, bizarre...
Quand je vais à Madagascar, les porteurs me demandent des euros et la Banque centrale malgache s'est constitué une réserve non négligeable de notre monnaie ; à vrai dire, les banques centrales des pays émergents stockent l'euro à concurrence d'environ 30% de leurs réserves. Pas si mal, non ?
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PS : hasard ou convergence, le blog des éconoclastes vient de sortir un article très intéressant sur le même sujet. Je vous en conseille vivement la lecture, et je ne résiste pas au plaisir d'en publier un petit extrait afin d'aiguiser votre appétit...

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A cela s'ajoute un autre élément notable : l'euro est devenu la forme d'argent liquide favorite du monde, devant le dollar : l'équivalent de 800 milliards de dollars, au taux de change actuel, contre 759 milliards de dollars. Cela provient en bonne part d'une très forte demande de billets de 500 euros. On jettera un voile pudique sur les activités économiques internationales qui nécessitent l'utilisation de grandes quantités d'argent liquide, avec de préférence des billets d'un montant suffisant pour mettre le plus possible dans un attaché-case"

Monday, January 15, 2007

Frankenfood


Vous connaissez l'expression, non ? C'est comme ça que Greenpeace ou les Amis de la Terre appellent les aliments à base d'OGM. Une manière comme une autre de "terrifier" la population en faisant le parallèle entre "le Monstre" et la recherche agronomique ; bien sûr, le propos est assez malin, la plupart des gens confondant allègrement le Dr Frankenstein et le monstre qu'il a créé. Mais il est assez révélateur aussi d'un état d'esprit qui anime de nombreux militants écolos : un sens moral religieux, mystique, assez vite intolérant, selon lequel il y a des limites que l'homme ne peut franchir, car ce serait se prendre pour un dieu - ce qui n'était peut-être pas le propos de Mary Shelley, mais peu importe, c'est le leur.
On peut dire que ces militants ont investi des efforts considérables pour convaincre le public, et ils y sont assez largement parvenus, au moins pour ce qui est des biotechnologies agro-alimentaires. A coup de contre-vérités flagrantes, d'assimilations hâtives, d'apocalypses brandies et... de créativité incontestable. Assez largement, et certainement bien moins qu'ils ne le disent : à les en croire, une immense majorité des citoyens (les seuls "responsables", bien sûr) partagent leur rejet des biotechnologies.
Il s'en faut de loin. Les organisations de consommateurs ont, très généralement, une attitude beaucoup plus nuancée, mais évidemment, pour les purs et durs écolos, les avis de telles associations de cons. ne valent pas tripette, ce sont des valets des multinationales ploutocratiques (version trotskarde) ou des alliés objectifs des multinationales exploitant les plus démunis (version catho de gauche).
Quant à Eurobaromètre, il a pondu un opuscule sur la question, avec un résumé en francais, dont il ressort que les biotechnologies agro-alimentaires sont effectivement les plus mal perçues, avec un "contre" à 60% et un "pour à 40% (mais cela varie assez fortement de pays à pays), les autres nouvelles technologies suscitant plutôt une forte majorité de "pour".
Evidemment, quand on pense que pour le citoyen lambda, les OGM n'ont servi qu'à créer les Flavour Saver Tomatoes, ce qui n'est tout de même pas de quoi se réjouir trop fort (à noter d'ailleurs que ces tomates n'ont pas un gène de plus ou remplacé par celui d'une autre espèce, ils ont un gène de
moins). Il y a beaucoup plus que celà à dire évidemment, mais tant que le public n'aura entendu que les cris d'alarme d'une des parties, on ne voit pas très bien pourquoi il changerait d'opinion.

Thursday, January 11, 2007

De l'Irak, des GI's et des idées reçues.


Il y a dans "Gangs of New York" un plan admirable, digne de Scorsese à tous points de vue, où un mouvement de caméra montre les nouveaux immigrants descendant du bateau, signant leur acte de naturalisation, remontant dans le bateau pour aller combattre les Sudistes, tandis qu'un troisième bateau débarque des cercueils ramenés du front...
Le parallèle est tentant à faire avec l'Irak, et effectivement, j'ai déjà entendu je ne sais combien de fois la "réflexion" : Ils envoient tous les pauvres noirs et latinos se faire trouer la panse, mais les blancs restent bien douillettement chez eux.
Ben non, pas vraiment : en date du 10/1/07, sur les 3013 combattant(e)s américain(e), 74% étaient "caucasiens" (i.e. blancs), 10% étaient noirs et 11% hispaniques. Les blancs semblent donc surreprésentés, si je lis bien les statistiques du US Census Bureau.
Il faut dire que l'Irak est le pays des légendes, comme celle qui voudrait que les USA ont armé Saddam Hussein. Pas vraiment non plus : entre 1973 et 2002, les USA ont vendu à peu près 1% des armements à l'Irak, loin derrière l'URSS (57%), la France (13%) ; et juste après la Lybie et... le Danemark, je vous le donne en mille !

Friday, January 5, 2007

Les riches toujours plus... vous avez dit quoi ?

Il paraît qu'un émission récente d'Arte portait sur les violences sociales en Chine, et le prière d'insérer comportait l'inévitable cliché : "les riches deviennent toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres".
Je n'ai pas vu l'émission et je ne sais donc pas si elle était aussi nulle qu'il pouvait en paraître - après tout, ma maigre expérience d'Arte me donne à penser que cette chaîne bénéficie d'une image quelque peu surfaite.

Bonne nouvelle : depuis une trentaine d'année, le nombre de très pauvres (1$ 1985/jour) et de pauvres (2$) a fortement diminué dans le monde, tant en nombre absolu qu'en pourcentage, l'Afrique noire cruellement mise à part. Cela ne signifie pas nécessairement une diminution des inégalités, mais il faut s'entendre : les riches deviennent sans doute plus riches, mais les pauvres deviennent moins pauvres, même si certains deviendraient moins pauvres moins vite que les riches deviennent plus riches, vous me suivez ? C'est l'autre vieux cliché : l'écart se creuse. En l'occurrence, c'est un cliché qui ne correspond même pas à la réalité, quelle que soit la métrique (un peu sérieuse, tout de même) utilisée. Le capitalisme s'est toujours vanté - à raison - de produire de la richesse, jamais de l'équité et surtout pas de l'égalité. Si c'était le cas, nos sociétés n'auraient pas eu besoin de services sociaux...


Je précise que les inégalités dont je parle sont les inégalités entre pays ; à l'intérieur des pays dits "du Nord", tout indique que les inégalités augmentent. C'est une toute autre question qui mérite un autre type de réflexion.